Voici la présentation d'un dossier sur la science que j'ai coordonné avec Élisabeth Doyon pour la revue À bâbord !
Depuis le début de la pandémie et plus qu’en toute autre circonstance auparavant, la science a été mise à l’avant-scène de notre quotidien. Jamais on n’a autant discuté publiquement de recherches scientifiques et de leurs résultats. Or, la rigueur intellectuelle exige un questionnement et un certain recul pour la validation des résultats scientifiques. La recherche en temps réel dont nous sommes les témoins peut paradoxalement créer une certaine confusion chez les non-scientifiques et les remises en question nécessaires à la progression des connaissances peuvent entraîner une perte de confiance envers les institutions et le discours scientifique.
Cette attente de résultats clairs et cohérents de la part de la science ne doit cependant pas occulter le fait que la recherche scientifique peut receler un parti pris politique, et ce, en dépit de son image de neutralité ou d’objectivité.Ce parti pris est parfois explicite, comme lorsque la recherche s’accomplit à des fins militaires. Notamment, on sait à quel point la science atomique est liée aux relations internationales depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais il n’est pas toujours aussi facile de déceler le parti pris politique qui existe dans la pratique scientifique. Celle-ci entretient, par exemple, un lien insidieux avec le capitalisme depuis des décennies, à travers la recherche dédiée au profit des entreprises et en raison de la valeur accordée aux projets de recherche pouvant mener rapidement à des résultats monnayables.
Ainsi, même si la méthode scientifique vise à garantir des résultats indépendants des opinions et des intérêts des personnes qui l’appliquent, le développement de la recherche scientifique demeure influencé à différents degrés par des intérêts politiques, financiers ou personnels.
Ce dossier donne la parole à des collectifs ou à des personnes s’employant à transformer le lien entre la science et la société. Contrairement à une idée reçue selon laquelle les scientifiques ont une certaine réserve à afficher des points de vue politiques, plusieurs osent prendre la parole pour revendiquer plus de place pour la science, pour défendre une science plus universelle ou pour réclamer une science qui ne serait plus strictement un outil aux mains du capitalisme.
Nous découvrons ainsi différentes conceptions d’une science qui se met au service du bien commun, ainsi que différentes stratégies pour mettre celle-ci en application. Ces diverses approches pour une autre science sont le reflet d’une pensée progressiste qui n’est pas sans soulever des questions : doit-on se contenter d’agir à l’intérieur des institutions politiques et scientifiques traditionnelles ou doit-on plutôt tenter de revoir le fonctionnement de ces institutions sur de nouvelles bases ? La science aboutit-elle à des vérités objectives incontestables ou est-elle influencée par la société dans laquelle elle se développe ?
Sans prétendre donner de réponses définitives à ces questions complexes, nous croyons que leur dimension politique et subjective est trop souvent négligée. Le rôle et l’influence des valeurs sociales portées par la science sont trop importants pour être ignorés par la gauche dans sa critique de la société actuelle. De la même façon, la gauche doit se questionner sur la place qu’elle accorde à la science dans ses projets de société.
Dossier coordonné par Élisabeth Doyon et Yannick Delbecque
Avec des contributions de Isabelle Burgun, Guillaume Dandurand, Yannick Delbecque, Roxanne Gendron, Baptiste Godrie, Florence Lussier-Lejeune, Rachael Maxwell, Serge Robert, Camille Rullán, Lucie Sauvé et Louis T
Illustré par Élisabeth Doyon